Notre-Dame : combien d’authenticités ?

12e: Escalier du transept © Benjamin Mouton

12e: Tympan, dans le portail 13e, Sainte Anne © Benjamin Mouton

13e, 16e, 17e: vitrail de la rose ouest © Benjamin Mouton

13e: Façade sud du transept © Benjamin Mouton

Benjamin Mouton

Définir la valeur patrimoniale : un sujet difficile
Dès les premières réunions d’experts (1889) et jusqu’aux plus récentes (Nara, 1994), c’est une recherche qui a adopté aujourd’hui la notion d’authenticité comme critère fondamental.

Son origine plonge dans l’Antiquité
« Le vaisseau sur lequel Thésée alla (en Crète) et retourna, était une galiote à trente rames, que les Athéniens gardèrent jusqu’au temps de Démetrius le Phalérien, en ôtant toujours les vieilles pièces de bois, à mesure qu’elles pourrissaient, et en y remettant des neuves à leur place : tellement que, depuis, dans les disputes des philosophes touchant les choses qui s’augmentent, à savoir si elles demeurent unes ou si elles se font autres, cette galiote était toujours alléguée pour exemple de doute, parce que les uns maintenaient que c’était le même vaisseau, les autres au contraire soutenaient que non » . (Plutarque dans « Vies des hommes illustres »). 

A cette authenticité limitée à la matière, il faut ajouter celle de l’usage : car, grâce aux réparations successives, le vaisseau continuera à voguer, selon sa fonction initiale : son authenticité immatérielle…

Notre-Dame de Paris, combien d’authenticités ?
La cathédrale de la fin du XIIe siècle, dont il reste peu de vestiges, est-elle la plus authentique? Est-ce une question d’ancienneté ?

Modifiée et achevée au début du XIIIème siècle, la cathédrale initiale est-elle la référence ?
Avec les travaux entrepris du XIIIe au XIVe siècle, est-ce globalement, « la cathédrale gothique » des XIIe, XIIIe, XIVe siècles avec ses strates successives ? Est-ce une question de style gothique ?

Est-ce la cathédrale d’avant les travaux de Lassus et Viollet-le-Duc, avec les enrichissements du XVIIe siècle, les mutilations du XVIIIe siècle et celles de la Révolution?…  Faut-il répudier les restaurations du XIXe siècle  parce que l’on juge que Viollet-Le-Duc a été « trop loin » ?

Est-ce une question de « virginité » ?

Alors, faut-il répudier aussi les réparations d’aujourd’hui, lorsqu’en remplaçant une pierre altérée ou un bois abîmé par un nouveau, parfaitement identique, elles réduisent l’authenticité matérielle du monument ?

Du XIIe au XIXe siècle, la volonté historique et permanente de « la cathédrale gothique globale unique »,
Motif et raison d’être de l’addition de toutes ces substances matérielles et historiques, n’est-ce pas la valeur immatérielle qui les justifie toutes ?

La valeur patrimoniale n’est-elle seulement qu’une question d’histoire et de substance ?
N’est-elle pas aussi architecturale, culturelle et artistique, littéraire, imaginaire, fantastique, recueil de foi et de ferveur religieuses, toutes parfaitement « authentiques » ? Et n’est-elle pas alors profondément imprégnée de valeurs immatérielles ?…
Il apparaît alors que cette notion d’authenticité matérielle, telle qu’on la définit couramment aujourd’hui ne constitue pas la mesure la plus appropriée, ni la seule, ni la principale, de la valeur patrimoniale…
Et qu’à vouloir arrêter l’horloge à une heure de l’histoire, elle risque de momifier les monuments et de les condamner à ne plus vivre dans le temps des hommes.

La valeur patrimoniale est constituée d’authenticités matérielles et immatérielles. Elle est moins scientifique que culturelle, et son champ en est très ouvert.

13e: Arcs boutants du chœur © Benjamin Mouton

17e -18e: Statuaire du chœur © Benjamin Mouton

18e: Aménagement du chœur, Robert de Cotte © Benjamin Mouton

Fin 18e: Suppression des vitraux colorés © Benjamin Mouton

1789: Façade ouest © Benjamin Mouton

19e: Travaux Lassus et Viollet-le-Duc © Benjamin Mouton

Fin 20e: Campagne de nettoyage © Benjamin Mouton

Début 21e: Réparations après tempête © Benjamin Mouton

2019: Façade ouest avant l’incendie © Benjamin Mouton